Le Père Marie arrive à Jérusalem le 12 Septembre 1855. Les premières Religieuses de Sion, le 6 mai de l’année suivante. Sur les ruines de la forteresse Antonia et les larges dalles du Lithostrotos, acquises après d’interminables pourparlers, il bâtit la Basilique de l’Ecce Homo et un couvent pour les Religieuses et les orphelines qu’elles ont recueillies et qu’elles élèvent.
Quelsques années plus tard, en 1862, il achète un vaste terrain à Ain Kerem où il construit un orphelinat pour les petites filles des victimes des massacres de la Syrie.
Peu à peu l’idée lui vient de faire pour les garçons ce qu’il a fait pour les filles, et il songe à établir l’oeuvre nouvelle auprès de l’Eglise de Sainte Anne, que le gouvernement français vient d’acheter et de restaurer. Il s’ouvre de son projet au Patriarche Mgr Bracco qui l’approuve: "votre institution de jeunes gens sera le complément des oeuvres déjà fondées par vous; elle trouvera admirablement sa place à l’ombre de Ste. Anne; elle fécondera et vivifiera ce domaine sacré, avec la bénédiction de Dieu".
Le Père Théodore hésite à donner son consentement; les deux frères s’aiment beaucoup, mais ne s’entendent pas toujours. Tous les deux sont profondement surnaturels, mais ils sont fort dissemblables de caractère et de témperament. Le Pe. Théodore est grave, réfléchi, lent et doucement autoritaire; il n’entend rien aux affaires: il se laisse, p. ex., au début de la fondation de Sion, dépouiller de sa fortune par un notaire auquel il avait confié ses fonds sans songer à lui en demander un reçu... Le Pe. Marie, au contraire, est primesautier, ardent, toujours porté à aller de l’avant, tout en ne sousestimant pas les difficultés. Il a, parfois, des réactions très vives, la main assez leste: on parle, discrètement, d’une giffle à un de ses collaborateurs, "ma canne frémit d’impatience" s’écrie-t-il un jour qu’on lui signale la paresse des ouvriers. Il reconnait ses défauts: "on pourra m’accuser de beaucoup de méfaits, mais on ne pourra pas m’accuser d’avoir été un homme de peu de foi".
Donc le Pe. Théodore hésite à autoriser le Pe. Marie à fonder un nouvel orphelinat; non pas qu’il désapprouve le projet, mais il en conçoit autrement l’éxécution: selon lui le but de soustraire le plus possible d’enfants à la propagande protestante, qui est alors intense en Palestine, semble devoir être mieux atteint par le moyen d’un externat que d’un internat où les admissions seraient forcément limitées par le fait qu’elles seraient gratuites. En outre le Pe. Théodore redoute de trop larges charges financières. Mais le Pe. Marie qui a fait de la Sainte Vierge sa trésorière, ne s’arrête pas à ce détail, d’autant qu’il fait entrevoir à son frère la possibilité de recruter des sujets pour la future Société des Prêtres de Sion. Finalement il est autorisé à tenter l’expérience.
Il s’occupe d’abord de recruter quelques collaborateurs et de s’assurer quelques ressources pour commencer l’oeuvre. Malheureusement, il ne tarde à apprendre qu’au sujet de Ste. Anne, il n’a rien à espérer; le Gouvernement français a confié la garde de ce sanctuaire aux Pères Blancs du cardinal Lavigerie qui y établiront un séminaire pour la formation du clergé grec-melchite; ce qui, il faut le reconnaitre, est de tout point préférable à l’établissement d’un orphélinat.
Le Pe. Marie se met à l’oeuvre
Il loue, pour un bail de cinq ans, une maison arabe relativement grande, proche du carrefour des bazars que l’on rencontre en entrant à Jérusalem par la porte de Damas. Le Patriarche donne son autorisation avec sa bénédicton.
Dans son plan primitif l’Institution doit comporter deux divisions: l’une appliquée à l’étude; l’autre, plus nombreuse, destinée à l’apprentissage d’un métier. "Financièrement, écrit le Pe. Marie, la question est déposée dans le coeur de Marie; il n’y a plus à s’en préoccuper et on va de l’avant".
L’Oeuvre est inaugurée le 8 septembre 1874, avec une quinzaine d’enfants et cinq auxiliaires:" après la Messe, écrit le Pe. Marie, les jeunes élèves ont fait entendre un chant de leur cru, c’était à déchirer les oreilles; la barque sortait du port et gagnait le large au chant des mousses de l’équipage: duc in altum! Puisse l’Etoile de la mer nous guider toujours; puisse le divin Pilote soutenir notre courage et nos forces!"
Deux mois après, il écrit: " l’oeuvre s’annonce formidable. Je comptais au début sur une dizaine d’élèves, en voilà près de 150 inscrits; je suis menacé d’être lapidé quand je passe dans les rues de Jérusalem, chacun se persuade qu’il doit y avoir de la place, encore une place pour son enfant. Et quant aux ressources, ces braves gens n’y pensent pas: le Pe. Ratisbonne puise dans des tonneaux d’or et ses caves sont remplies de ces tonneaux".
L’uniforme adopté ne convient guère à ces enfants de milieu populaire: pantalon blanc qu’il faut laver chaque semaine, veston bleu avec boutons de cuivre, gilet, cravate, casquette en flanelle blanche avec visière de toile cirée. On le remplacera bientôt par un costume tel qu’en portent les gens du pays.
Le Pe. Marie se rend vite compte que l’emplacement de l’école est défavorable; la place manque pour y ouvrir des ateliers et les conditions hygiéniques sont mauvaises. Il se préoccupe de chercher, hors de la ville un endroit meilleur.
Sur ses entrefaites, en mai 1875, la princesse de la Tour d’Auvergne, qui depuis quelques années s’est installé à Jérusalem où elle a fait construire le "Cloître du Pater", lui offre un grand terrain sur le Mont des Oliviers; il accepte avec reconnaissance, mais après examen de la position, il convient que l’emplacement est impropre à l’établissement d’une école: l’accès en est difficile, assez loin de la ville, trop près de la vallée de Josaphat qui sépare des remparts et où l’on ne voit que des centaines de tombes juives assez mal entretenues:
Achat du terrain de Saint-Pierre
Il cherche ailleurs: on lui signale à l’ouest de la ville, à 15 minutes de la Porte de Jaffa, un terrain d’environ trois hectares, qu’après d’interminables pourparlers, il achète à un Grec. Le mur de clôture tout en pierres de taille qu’il entreprend, immediatement, de construire, aura 680 mètres d’expansion dont 250 pour le coté de la façade qui regarde la ville.
Il demande à un architecte de Paris les plans du futur établissement qu’il veut grand et beau: grand parce qu’il pense aux nombreux enfants qui attendent leur admission; beau parce que, lui dit à son architecte, le laid coûte aussi cher que le beau: l’école St. Pierre étant destinée à devenir une pépinière d’ouvriers et d’artistes, il convient de leur mettre sous les yeux un édifice qui leur serve de spécimen perpétuel de goût.
Ce sera un vaste quadrilatère: façade architecturale de 90 mètres; deux ailes d’environ 50 mètres reliées entre elles par un passage couvert; la chapelle partira du pavillon central de la façade et s’élèvera entre les deux ailes dans la grande cour intérieure.
Le grave inconvénient de ce plan, c’est que son éxécution exigera des sommes énormes dont le Pe. Marie n’a pas le premier sou. En fait, il ne sera jamais achevé; seules seront construites la façade et l’aile nord; l’aile sud deviendra la Chapelle.
En attendant que viennent les ressources, le Pe. Marie fait un emprunt et commence la construction des vastes sous-sols de la façade et de l’aile nord. Il possède deux chameaux qui répondent aus noms de Goliath et de Philistin; ce sont eux qui transporteront sur leur bosse toutes les pierres qui serviront à la construction des murs.
Dès 1879, les travaux étant assez avancés, les ateliers jusqu’alors installés en ville, y sont transférés: rien n’est encore crépi, mais tout est vaste, sec, largement éclairé par de grandes fenêtres. En 1881 on achève la construction de la grande citerne devant la façade qui est à moitié construite, jusqu’au delà du pavillon central. Il y a alors une quarantaine d’élèves.
A cette date, le Pe. Marie peut encore compter sur l’aide de huit chefs d’atelier. L’énumération qu’il donne de ces ateliers parait quelque peu surprenante, étant donné le petit nombre des élèves: cordonniers, menuisiers, tailleurs, tonneliers, selliers, tapissiers, charrons, boulangers, relieurs, ferblantiers. On peut se demander combien d’apprentis sont répartis dans chaque atelier. Ce sont, évidemment, les boulangers qui font la plus tangible besogne: en 1882, ils font du pain pour 750 personnes (ce qui est fort apprécié par les pélérins du premier pélérinage de pénitence de 1882).
Le Père Marie quêteur
Quoi qu’il en soit, le Pe. Marie estime que si l’homme ne vit pas seulement de pain il lui faut tout de même son pain quotidien; et pour ses orphelins il va entreprendre des tournées de quêtes qui le conduiront un peu partout en Europe. Quand on lui demandera son adresse il répondra: "en chemin de fer". Il pourra un jour écrire: "après avoir été bavarois, belge, romain, provençal, gascon, normand, autrichien, prussien, badois, luxembourgeois, saxon, wurtenbourgeois, me voici maintenant anglais". S’il rencontre de larges et bienveillantes sympathies, il se heurte parfois à la jalousie, à la calomnie, aux pires accusations d’escroquerie; à Bruxelles il entend dire que le Patriarche de Jérusalem lui a interdit de solliciter la générosité des Belges; un autre jour, en Allemagne, le bruit sourt qu’il est excommunié. En revanche, on luit fait, parfois, les plus magnifiques promesses: la reine d’Espagne lui promet un million... qui ne viendra jamais!
Rien ne l’étonne, rien ne le rebute. Il a mis sa confiance en la Sainte Vierge; il sait qu’elle ne lui manquera jamais et qu’elle lui sera toujours secourable!
Les "ANNALES DE N.D.DE SION EN TERRE SAINTE"
Il ne peut, pourtant, être toujours sur les grands chemins, rentré à Jérusalem, il entend rester en contact avec ses bienfaiteurs par une correspondance de plus en plus abondante, à laquelle il ne peut bientôt plus suffire. L’idée lui vient alors de publier un bulletin qui, chaque trimestre, ira porter à ses amis l’expression de sa reconnaissance et les tiendra au courant de ses espoirs et de ses realisations. Ce sont les "Annales de la Mission de Notre Dame de Sion en Terre Sainte". Il en est jusqu’à sa mort, le rédacteur principal.
En des pages vivantes, alertes, pleines de verven de brio, d’humour, il racconte ses premières années à Jérusalem et les difficultés inimaginables auxquelles il s’est heurté pour acquérir ses ruines du Prétoire, y elever une Basilique de Réparation et y construire le Couvent des Religieuses au milieu des innombrables traquenards que lui tendait la canaillerie des intermédiaires par lesquels il devait passer. Lui disparu, les Annales continueront à paraitre jusqu’à la guerre de 1914-18.
CE QUE LE PERE MARIE CONTEMPLE DU HAUT DES TERRASSES DE ST PIERRE
C’est avec joie qu’à son retour à Jérusalem et durant les deux dernières années de sa vie, il voit grandir la Maison de St. Pierre. Voici comment il en parle: " La façade regarde la Porte de Jaffa, les tours de la citadelle de David, les Etablissements arméniens du Mont Sion. A notre gauche, quand nous nous plaçons à nos fenêtres, nous avons le beau couvent des Diaconnesses prussiennes; plus loin les grandes constructions russes; et tout autour un semis de demeures arabes, européennes qui forment un vaste faubourg dont les habitations se multiplient d’année en année. A droite, autre faubourg naissant composé presque exclusivement de demeures juives; une immense construction abandonnée jusqu’à nouvel ordre. Notre position est si belle qu’elle domine toute la contrée: l’horizon s’étend jusqu’à la Mer Morte, le Jourdain, les Monts de Moab; les routes de Samarie et de Jéricho se déroulent sous nos yeux; le lieu sacré de l’Ascension, le Monastère des carmélites du Mont des Oliviers. C’est splendide!"
Sans manquer de respect au Pe. Marie, on peut noter qu’il exagère quelque peu: on ne voit ni le Jourdain, ni la Mer Morte, ni les routes de Samarie; on n’en voit que la direction. Mais il reste que l’horizon est vaste et splendide sur les montagnes bleues de Moab.
Dans le jardin il y a une très vieille tour à moitié démantelée; le Pe. Marie la fait restaurer: le rez de chaussée servira de grange à foin pour le superbe et robuste âne blanc qu’on lui a donné, et la chambre du haut sera reservée à un domestique.
Il n’aura ni le temps ni la joie de voir l’achèvement de la maison; à sa mort, le 6 mai 1884, seule une partie de la façade sera construite; elle s’arrêtera après le pavillon central, mais les sous-sol de la façade entière et de l’aile nord seront achevés.
LES COLLABORATEURS DU PERE MARIE
Le Pe. Marie n’a pu mener à bien ses oeuvres qu’avec l’aide de collaborateurs. Il en a eu plusieurs qui ont fait preuve d’un réel dévouement; ils formaient avec lui une communauté de prêtres libres. Les uns et les autres, après une collaboration plus ou moins longue, se sont retirés pour entrer dans le clergé du Patriarcat, ou pour retourner dans leurs pays d’origine, ou encore pour devenir Religieux de St. François:
DON GATT
Le plus ancien compagnon du Pe. Marie parait être Don Gatt. En 1877 il a le titre de Directeur de l’Institution St. Pierre de Sion. Tout en dirigeant l’école, il s’interesse au mouvement des études archéologiques qui commence à s’intensifier en Palestine. Dans les "Annales de N. D. de Sion en Terre Sainte", il publie un compte-rendu des découvertes faites à Bethanie et à Betphagé; une étude sur la maison et la sépulture de la Thabita à Jaffa; une description de l’ancienne église d’Anathot; un mémoire sur la patrie et les tombes des Macchabés à Modin. Du vivant du Pe. Marie, il demande son admission dans le clergé du Patriarcat. Il est alors chargé de la fondation d’une paroisse latine à Gaza. C’est là qu’en 1898, le retrouveront les scolastiques de Sion, de St. Pierre, au cours d’une excursion dans l’ancien pays des Philistins. Il a une étonnante puissance de silence: tout en recevant ses visiteurs avec la plus grande cordialité, il peut rester avec eux et les écouter durant des heures, sans ouvrir la bouche.
DON ZEPHIRIN BIEVER
Il vient du Luxembourg; c’est lui qui dirige les travaux de la construction de la maison. En 1878, il est appelé à Paris par le Pe. Théodore, mais il rentre bientôt à Jérusalem. Après le départ de Don Gatt, il devient le directeur de St. Pierre. Dans les Annales, il publie un article sur les chambres mortuaires qu’on vient de découvrir dans le terrain donné au Pe. Marie au mont des Oliviers; et une étude très documentée sur les Missions protestantes en Palestine.
C’est un géant d’une force extraordinaire. Un jour, au Mur des Lamentations, au milieu des Juifs qui prient et se lamentent, il voit un derviche bête et méchant qui s’amuse à lâcher un serpent dans les pieds des femmes, à leur grande frayeur. Il attrape le derviche par la peau du cou, le fait pirouetter sur lui-même et le jette dehors, lui et son serpent.
On raconte - mais est-ce bien vrai - qu’au cours d’une tournée de quêtes en Amérique, il vendit sa magnifique barbe à une admiratrice originale, pour une somme respectable de dollars.
Comme Don Gatt, il entre dans le clergé patriarcal et il est envoyé à Madaba, paroisse nouvellement fondée en plein désert. Un jour qu’il chévauche dans la solitude, il voit deux bédouins à la mine suspecte et à cheval s’avancer dans sa direction. Il les laisse s’approcher, l’encadrer, le serrer de près; brusquement dans une rapide détente de ses bras, il leur assène un formidable coup de poing dans la figure; desarçonnés et à terre, il les laisse à leurs réflexions et disparait au grand galop de son cheval.
DON HEIDET
Il vient de France, de Belfort et il est à Jérusalem en 1882. Tout en se dévouant à l’oeuvre de St. Pierre, il ne tarde pas à s’interesser aux recherches archéologiques et bibliques de la Ville sainte et des environs; dès le mois de mars 1883, dans les Annales, il rend compte de l’état des ruines découvertes sur l’emplacement d’une très ancienne église consacrée au souvenir du martyre de Saint Etienne. Un peu plus tard, c’et un nouvel article au sujet de la maison de Véronique sur la Via Dolorosa.
Il quittre st. Pierre après la mort di Pe. Marie. Plus tard on le retrouve aumônier du Dispensaire de l’Ordre de Malte tenu par les Frères de Saint Jean de Dieu, à Tantour, près de Bethléem où il continue ses travaux sur la topographie de la Terra Sainte, et devient un des collaborateurs de M. Vifourourx qui publie le Dictionnaire de la Bible.
LE PERE DALLIEZ
Il arrive à Jérusalem em 1883, originaire du Diocèse de Cambrai. Le Pe. Marie écrit de lui: "l’abbé Dalliez est détaché de tout, il quitte tout pour servir Jésus Christ à Jérusalem; il est du bois dont on fait un vrai missionnaire et nous remercions Dieu de nous avoir envoyé un tel confrère". Il est tellement détaché de tout qu’après la mort du Pe. Marie, il entre chez les franciscains. Un peu avant la guerre de 1914, vénérable patriarche à la barbe blanche, on le rencontre parfois chez les Soeurs de St. Jean auprès desquelles il retrouvait l’accueil reconnaissant du temps où il venait en aide au Pe. Marie.
DON HERMANN SCHWARTZ
On manque de précisions sur la date de son arrivée à St. Pierre. Il est surtout chargé du mnistère spirituel auprès des fillettes des Soeurs et des garçons de St. Pierre. Rentré en Allemagne, il n’oublie pas Jérusalem. Il y revient en 1906. Il n’a pas non plus oublié l’arabe; mais déçu parce que le St. Pierre de cette date n’est plus se St. Pierre du temps du Pe. Marie, il rentre dans son pays après seulement quelques mois de séjour.
LE PERE DOUMETH
Le Pe. Doumeth est un prêtre maronite engagé pour l’enseignement de l’arabe. Très surnaturel et d’esprit profondement religieux, après quelques années passées à St. Pierre, réclamé par l’Ecole Biblique de St. Etienne où l’on a besoin d’un professeur et d’un spécialiste des choses arabes, il se fait dominicain. Il est encore à Jérusalem au début de la guerre de 1914. Dénoncé à l’autorité militaire turque par un imbécile, comme agent d’espionnage au service des Alliés, cassé par l’âge, pouvant à peine se tenir debout, il suffit au chef de police de le voir pour comprendre que d’aucune manière, il ne peut être un espion.
SAINT PIERRE APRES LE PERE MARIE
La mort du Pe. Marie survenue quatre mois après celle du Pe. Théodore, semble avoir quelque peu désorienté les Pères de Paris: lequel d’entre eux ira à Jérusalém prendre une succession difficile? Finalement, au mois d’octobre, c’est le Pe. Decormis qui se met en route avec le Pe. Alphonse Demarc: le premier sera Supérieur, le second sera économe.
Mais le vrai continuateur du Pe. Marie sera le Pe. de Chaumontel qui arrive à Jérusalem le 3 Août 1887 et qui y restera jusqu’en 1896; c’est à lui qu’incombera le souci d’achever les constructions, et il aura la satisfaction de constater que tout est fini à son départ: il y aura mis toute sa fortune.
En attendant son arrivée on fait paver la courte allée qui, du portail d’entrée conduit au pavillon central, et on débarrasse le terrain de la piéraille qui l’encombrait, ce qui permet d’en mettre en culture une bonne partie. Puis on crépit l’intérieur des chambres et on achêve la construction de la grande citerne dans la cour d’entrée. En 1889 on reprend les travaux de l’achèvement de la façade; la Chapelle occupe tout le pavillon sud; mais il faudra attendre jusqu’en 1894 pour y célébrer les offices. En même temps on travaille à la construction de l’aile nord qui sera acheveée en 1895: l’étage inférieur sera réservé au dortoir des élèves, à l’infirmerie et à la lingerie. De nouveaux ateliers sont ouverts qui n’auront qu’une existence éphémère; en fait, il n’en restera que quatre: cordonniers, menuisiers, tailleurs, sculpteurs sur bois. C’est du temps du Pe. de Chaumontel que la boulangerie a été fermée; on pouvait se procurer d’excellent pain en ville, ce qui n’était pas le cas autrefois.
En 1888, sur l’initiative du Consul de France, la colonie française offre à St. Pierre une fanfare de 19 instruments et une bannière en noire, rouge et or. Elle sera bientôt célèbre dans la ville où son concours sera souvent démandée. Mais dix ans après elle sera supprimée par le Pe. Givelet, fanatique du plain-chant, pour qui une musique de fanfare n’est que de la bastringue qui mérite le premier rang après rien.
A signaler encore qu’en 1885, l’un des premiers élèves reçus par le Pe. Marie, Daud Rahil, a été nommé le Pacha de Jérusalem, "caissier du Gouvernement".
Plusieurs autres anciens élèves deviennent prêtres ou frères, les uns au Patriarcat, les autres chez les Franciscains; l’un d’entre eux deviendra curé de la paroisse de Jésuralem.
En 1889, on ouvre un petit pensionnat destiné à conduire les élèves au niveau du certificat d’Etudes. Il ne sera jamais nombreux et ne dépassera jamais la vingtaine, réservé surtout aux enfants juifs: Le Pe. Givelet, après avoir essayé, sans réussir, de le developper avec le concours du Pe. Jean Brémond, sj, venu de Beyrouth, le fermera définitivement en 1908.
Le personnel après le Pe. Marie
Les collaborateurs du Pe. Marie qui ne s’étaient engagés que pour un temps, se sont successivement retirés; d’autres sont venus dont quelques uns resteront et deviendront d’authentiques Pères de Sion.
Le futur Pe. Joseph Derwich
Il arrive en 1884, quelques mois après la mort du Pe. Marie; il n’est pas encore prêtre. Comme il manifeste l’intention de se donner à la Société, on l’envoie à Beyrouth, au Séminaire oriental des Jésuites pour y faire sa théologie; mais c’est à Jérusalem qu’il reçoit les Ordres. Il est ordonné prêtre le 26 Mars 1887. Toute sa vie, sauf de rares intervalles, se passera à St. Pierre. Il restera le type du bon Econome qui sait ce que vaut l’argent.
(Voir sa biographie dans le recueil IN MEMORIAM)
Fr. Bernard
En 1885, voici le futur Fr. Bernard, Monsieur Antoine Bernard. Il vient de Remirement, dans les Vosges. Sa connaissance de la tenue des livres et sa formation commerciale feront de lui un précieux auxilaire de l’Econome. Sans avoir jamais quitté St. Pierre, sauf durant les quatre années de guerre 1914-1918, il mourra à 82 ans.
(Sa biographie dans IN MEMORIAM
L’abbé LEGRAND
L’abbé Legrand arrive en 1888, du diocèse de Besançon. Tout en appartenant au Patriarcat, il se dit Père de Sion et réside à St. Pierre. Mais le Patriarche le rappelle et fait de lui le Chanoine Chancelier du Patriarcat. Il mourra en 1910, victime de la Comète de Halley; s’étant levé au milieu de la nuit pour observer le phénomène, au moment de s’habiller, une attaque le fit tomber et il resta sur le froid du†pavé de sa chambre jusqu’au lendemain, d’où une congestion pulmonaire l’emporta.
Le Fr. Jean
Le Fr. Jean vient en 1890, et ne quittera jamais St. Pierre. Il deviendra une figure légendaire dans la maison avec ses naivetés, sa barbe de père eternel, son impuissance à parler une autre langue que son idiome natal slave; son langage n’est catalogué dans aucune grammaire, aucun dictionnaire.
( Voir sa Biographie dans IN MEMORIAM )
LE PÈRE MORISSON
Le Pe. Morisson, est un collaborateur à éclipses, un original comme seul un anglais peut l’être. C’est pourtant à Jérusalem qu’il est ordonné prêtre. Il ne sera jamais Père de Sion. On racconte qu’il est né au bord d’un cuirassé, durant le siège de Sébastopol, mais on ne dit pas comment sa mère se trouvait sur le bateau-amiral. Mystère!
A St. Pierre, sa chambre est renommée par sa disposition et son encombrement: ce n’est pas du premier coup d’oeil qu’on l’aperçoit quand on a ouvert la porte; c’est un labyrinte où il faut savoir evoluer. Ses livres sont réliés en couleurs différentes selon les sujets: en bleu pour la Ste. Vierge, en rouge pour les Martyrs, etc, etc. Sur sa table de nuit, il y a en parmanence les Saintes Huiles et un révolver; comme il a une maladie de coeur et qu’il peut avoir une crise subite, en cas d’alerte, il tirera un coup de révolver, le voisin l’entendra et se précipitera chez lui: tout sera prêt pour l’administrer!
Dans son testament, assure-t-on, il lègue son crâne au monastère du Mont Carmel: ledit crâne devra être exposé au refectoire pour prêcher, même après sa mort, le mépris des choses qui passent! Il se refuse a reconnaitre l’indépendance de l’Amérique. Cité un jour comme témoin au tribunal consulaire des Etats Unis à Jérusalem, il commence sa déposition par déclarer l’illegitimité du Gouvernement américain qui, selon lui, est toujurs une colonie anglaise; et, cela fait, sa conscience apaisée, il commence sa déposition. Pour suivre les traces de l’apôtre S. Thomas, il entre†rend un long et coûteux voyage en Inde, ce qui écorne sensiblement sa fortune. De temps à autre, on le voit à St. Pierre... et il meurt à Londres, dans un taxi!
Le Père Dedoué
Il arrive de Marseille en 1889. Il sera un des pilliers de la Maison tout en ne s’y intéressant que d’une manière assez secondaire. Tout son temps est réservé au service de l’Ecce Homo. Chaque matin, et parfois chaque après midi, il s’y rend, monté sur un âne qui, avec son cavalier, ne tarde pas à devenir une des silhouettes les plus connues de Jérusalem. Il n’est pas strictement Père de Sion, il n’a pas de voeux; il dispose donc de lui-même, selon ses goûts, et tous les deux ans, il va passer quelques semaines en France. Mais son coeur est à Jérusalem; il est pour l’Ecce Homo, l’aumônier idéal, d’une grande régularité, et homme de bon conseil. Largement pourvu d’innocentes manies: il a