Le Sabbat dans la piété juive (1964)
Joseph Stiassny, nds
La catégorie de la tendresse
Rabbi Tzadok qui a vécu dans la deuxième moitié du deuxième siècle avait coutume de faire la prière suivante:
“Par l’amour que Tu as eu, ô Seigneur notre Dieu, pour ton peuple Israël, et la miséricorde que Tu as témoignée aux enfants de Ton alliance, Tu nous a donné dans Ta dilection ce septième jour, grand et saint”1.
En partant du Sabbat, Israël se sert toujours du vocabulaire de l’amour. Le Sabbat n’est pas seulement un jour qui diffère des autres: il est d’une autre espèce. D’une certaine manière il échappe à ce-monde-ci et appartient déjà au monde-à-venir. Dans un langage théologique on dirait qu’il est le signe efficace, le sacrement du Jour qui n’a ni commencement ni fin et qui est tout entier paix et joie dans le Seigneur.
Rabbi Akiba, martyrisé sous Adrien, a bien marqué cet aspect du Sabbat:
“Les lévites chantaient au temple de Jérusalem un chant spécial pour chaque jour de la semaine. Le premier jour c’était: “La terre est au Seigneur” (Ps 24); le deuxième jour: “Grand est le Seigneur” (Ps 48); et ainsi de suite chaque jour (Ps 82; 94; 81;93). Le Sabbat ils chantaient: “Cantique: Chant du jour de Sabbat” (Ps 92) cantique pour le temps-à-venir, pour le jour qui serait tout entier Sabbat et repos pour la vie éternelle”2.
Sans le Sabbat le monde aurait été incomplet. Dans un vieux commentaire de la Genèse nous lisons la parabole suivante:
“Cela peut se comparer à un roi qui bâtit une chambre nuptiale qu’il fit peindre et décorer: la chambre est prête – qui manque-t-il ? L’épouse. De même, de quoi manquait le monde ? Du Sabbat”3.
Dès lors, on comprend que la tradition rabbinique aime à comparer le Sabbat à une fiancée ou à une reine ; toute fiancée n’est-elle pas reine en Orient le jour de son mariage (remarquons qu’en hébreu Sabbat est féminin).
Petite fiancée esseulée, le Sabbat cherche en compagnon. Rabbi Siméon Bar Yochaï, ce mystique juif, à qui furent attribués les débuts de la Kabbale, nous offre le tableau suivant:
“Quand fut achevée l’œuvre de la création la septième journée comparut devant Dieu et s’adressa à Lui: ´´Maître de l’univers, Tu as tout crée par couple; à chacun des autres jours, Tu as accordé une compagne; moi seule resterai-je abandonnée ?”. Et Dieu répondit: ´´La communauté d’Israël sera ton compagnon”4.
Il y a une harmonie pré-établie entre Israël et le Sabbat: tous deux, avant même la création, furent mis à part ; en langage biblique, ils furent sanctifiés. Un vieux traité mystique va jusqu’à déclarer: “la sainteté de Dieu, la sainteté du Sabbat et la sainteté d’Israël sont une”5 . On pourrait dire, elles sont une parce que toute sainteté n’est que le reflet de Dieu, trois fois saint.
C’est parce que le Sabbat est mis à part qu’il ne doit pas ressembler aux autres journées. Les six jours sont livrés à l’homme pour continuer l’œuvre de la création, ils sont caractérisés par le travail qui rend l’homme coopérateur de Dieu. Le septième jour, l’homme n’est plus tourné vers le monde pour le transformer, il est tout entier dirigé vers Dieu pour s’assimiler à Lui. Le travail caractérise les rapports entre l’homme et le monde physique ; le repos désigne un état de paix entre l’homme et la nature. Mais ce qui est paix par rapport au monde physique, devient, par un changement de signe, activité surabondante par rapport au Maître de l’univers. Ce n’est pas par hasard qu’aussi bien en hébreu qu’en latin le mot “culte” (avoda) désigne le Travail par excellence: opus Dei.
L’homme doit laisser la nature inviolée, il ne doit la modifier en aucune manière, ni en construisant ni en démolissant ; le plus infime changement accompli par l’homme serait une violation “du repos”. C’est ce qui explique la casuistique hypertrophique des interdictions du Sabbat. Le rabbin Heschel, un des auteurs spirituels juifs des plus remarquables de notre époque, fait remarquer à ce propos:
“A vrai dire, la splendeur de ce jour est surtout exprimée par des interdictions, par des tu ne feras pas ceci, ci cela; mais c’est pour la même raison que le mystère de Dieu est exprimé d’une façon plus adéquate par l’apophatique, par les catégories de la théologie négative qui proclame que, ne pouvant jamais exprimer ce qu’Il est, nous devons nous contenter de dire ce qu’Il n’est pas. Nous sentons souvent combien pauvre serait l’édifice s’il n’était bâti que des actes et des phrases du rituel, à l’aide de tout ce lourd appareil parfois si encombrant. Comment exprimer la gloire présente dans l’éternité, sinon par le silence et le renoncement à toute bruyante activité?6
D’ailleurs, Israël, dans sa ferveur, n’a jamais considéré le Sabbat comme un poids qui l’aurait écrasé mais comme une énergie qui le transforme. C’est sans doute à cause de cela que les rabbins affirment qu’une âme de surcroît est donnée à l’homme la veille du Sabbat et lui est reprise au terme du Sabbat7. On pourrait reprendre à ce propos la belle image des Odes de Salomon:
“Ton joug est comme le bras de la fiancée, à l’épaule du fiancé”.
Le Sabbat a été donné à l’homme et non l’homme au Sabbat. Cette phrase qui nous est familière de par l’Évangile paraît maintes fois dans les sources juives8. À la suite d’Isaïe (58, 13), les rabbins insistent que le nom propre du Sabbat est Délices. Au jour du Sabbat, pas de prières de pénitence, pas de deuil, pas de pensées affligeantes. Les vieux rabbins conseillent:
“Sanctifiez le Sabbat par une nourriture choisie, par de beaux vêtement; réjouissez votre âme de plaisir et je vous récompenserai de ce plaisir même”9.
L’amour chante et danse:
Rabbi Yannaï avait coutume de mettre, la veille du Sabbat, ses plus beaux vêtements et de s’écrier: “Viens, ô Fiancée ! Viens, ô Fiancée !”. Rabbi Hanina mettait, lui aussi, des splendides vêtements et sortait de sa maison en dansant et en chantant: “Venez, allons accueillir la Princesse Sabbat”10.
Le Vendredi
La Journée entière du Vendredi se passe sous le signe de l’attente de la Reine qui doit faire son entrée le soir. Nous lisons dans le Sefer Hassidim, témoin de la piété juive de la Rhénanie du XIIème siècle, l’avis suivant: “Tout homme doit mettre un grand, un très grand zèle, à préparer le jour du Sabbat, à se montrer aussi actif et diligent qu’un homme qui aurait appris que la Reine vient demeurer dans sa maison, ou que la fiancée et toute sa suite viennent lui rendre visite. Que ferait-il? Il se réjouirait grandement et s’écrierait: “Quelle honneur pour moi de les voir demeurer sous mon toit !”. Il dit à ses serviteurs: “Nettoyez à fond la maison, embellissez-la, préparez les lits ; quant à moi, j’irai acheter pain, viande et poisson, tout ce que je pourrai trouver de meilleur en leur honneur. Cet homme s’occupera lui-même de la préparation des nourritures sabbatiques, eût-il un millier de servantes. Et qui donc est plus grand que le Sabbat ? Le sabbat est à la fois la Reine et la Fiancée; on l’appelle délices. Aussi le maître de la maison doit-il se montrer plus affairé aux préparatifs du Sabbat, eût-il des centaines de servantes11.
Dans les familles juives pieuses, on fait généralement maigre en prévision du repas solennel du soir. Dans l’après-midi, chacun revêt ses vêtements du Sabbat; les hommes se rendent à la synagogue tandis que la maîtresse de la maison inaugure la joie du Sabbat en allumant les bougies, et en prononçant la bénédiction:
“Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’Univers, qui nous a sanctifiés par tes commandement et nous a ordonnés d’allumer le cierge du Sabbat”.
Puis elle met la table et y dispose sous une serviette deux pains en souvenir de la double provision de mana que les ancêtres recueillaient pour ce jour.
L’Office du Soir à la Synagogue
L’office à la synagogue commence un peu plus d’une heure avant l’apparition des étoiles. On récite tout d’abord les psaumes 95 à 99 et le psaume 29 qui rappellent la grandeur de Dieu, sa puissance et sa gloire. On entonne ensuite l’hymne Lekha Dodi, composé par Salomon Halevi Alkabetz, cabaliste de la première moitié du XVIème siècle à Safed en Haute Galilée (rappelons que Safed est la ville sur la montagne qui ne peut pas se cacher).
Ce cantique fut rapidement adopté dans toutes les communautés d’Israël et devint le cantique du Sabbat par excellence:
“Viens, mon Bien-Aimé, au-devant de la Fiancé Au-devant du Sabbat que nous allons recevoir ´Observe’ et ´Souviens-toi’ ; ces mots, le Dieu Unique Nous le fit entendre en une unique parole Le Seigneur est Un, Un est son nom À Lui honneur, gloire et louange ! Empressons-nous à la rencontre du Sabbat Source de bénédictions Consacré dès les temps les plus lointains But de la création première pensée du Créateur”.
Et le poète d’évoquer Jérusalem et la rédemption messianique:
“Sanctuaire du Roi, Ville royale Debout ! Relève-toi de tes ruines ! Assez séjourné dans la vallée des pleurs L’Éternel a compassion de toi. Secoue la poussière ! Debout ! Mon peuple, reprend ta parure Par le fils de Jessé, le Bethlémite Mon âme sent venir la délivrance. Réveille-toi, réveille-toi Ta lumière brille, lève-toi, sois illuminée ! Courage ! Courage ! Entonne un cantique Sur toi resplendit la Gloire du Seigneur”.
Et la mélopée de continuer et de décrire la confusion des ennemis et le triomphe final des “pauvres du Seigneur”. Avant la dernière strophe, l’Assemblée se lève et se tourne vers la porte pour recevoir l’hôte invisible.
Tout le monde s’incline:
“Sois la bienvenue, couronne de ton époux Viens, joyeuse et allègre Au milieu de ton peuple chéri Viens, Fiancée ! Viens Fiancée !”
L’office se poursuit par la récitation du psaume 92, le psaume propre du Sabbat et, après diverses prières on récite la bénédiction suivante:
“Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui par ta parole fais arriver la nuit, par ta sagesse ouvres les portes (du Ciel), par ton intelligence fais varier les temps et les saisons. Tu assignes leur place aux étoiles et détermines leurs fonctions d’après Ta volonté. Tu crées le jour et la nuit, tu fais succéder la lumière aux ténèbres et les ténèbres à la lumière, tu fais disparaître le jour pour amener la nuit et tu sépares l’un de l’autre. Éternel Tzebaoth est ton nom. Dieu vivant qui subsiste toujours, tu règnes sur nous à jamais. Sois loué, Éternel, qui fais arriver la nuit”.
Le Dieu créateur est en même temps le Dieu qui a choisi Israël pour son peuple.
“Tu as aimé ton peuple, la maison d’Israël, d’un amour éternel ; tu nous a enseignés ta loi et tes commandements, tes préceptes et tes jugements. C’est pourquoi, Éternel, notre Dieu, nous nous entretenons de tes préceptes en nous couchant et en nous levant, et nous nous réjouissons sans cesse des paroles de ta loi et de tes commandements, car ils sont notre vie, ils prolongent notre existence et nous les méditons jour et nuit. Oh ! Ne nous retire jamais ton amour ! Sois loué, Éternel, qui aimes ton peuples d’Israël”.
Suivent différentes lectures de la Thora: Dt 6,4-9; 11,13-21; Nm 15,37-41; Ex 31,16-17 ; et de diverses prières et bénédictions, en particulier une prière pour la paix.
Vendredi Soir à la Maison
Deux anges accompagnent l’homme le vendredi soir, au retour de la synagogue, disait Rabbi José ben R. Yehuda, un bon et un mauvais. Lorsqu’il rentre chez lui, qu’il trouve les lumières allumées et la table préparée et le lit couvert d’un couvre-lit, l’ange du bien dit: “Plaise au ciel qu’il en soit de même le Sabbat suivant”, et le mauvais ange, à contrecoeur, répond: “Amen”. Sinon, c’est l’ange du mal qui demandera: “Qu’il en soit de même le prochain Sabbat”, et le bon ange sera contraint de répondre «Amen”12.
Dès que la famille est réunie, les enfants demandent la bénédiction ; le père met les mains sur la tête de l’enfant et dit aux garçons: “Que Dieux te bénisse comme Ephraïm et Ménassé”, et aux filles: “que Dieu te bénisse comme Sara, Rébecca, Rachel et Léa” et il ajoute: “Que l’Éternel te bénisse et te garde et qu’Il t’éclaire de sa Face et te soit favorable, qu’Il tourne sa Face ver toi et te donne la paix !”.
Après la bénédiction, le père de famille récite en l’honneur de son épouse, l’éloge de la femme parfaite, telle qu’elle est donnée dans Prov. 31,10-31. On chante ensuite le bel hymne adressé aux anges:
“Soyez les bienvenus, anges du service, anges du Très-haut, c’est le Roi de tous les rois qui vous envoie: le Saint, Béni-soit-Il”.
Quiddush, la bénédiction sur la coupe de vin, cérémonie qui date de bien avant la destruction du second temple et que Notre Seigneur a dû présider bien des fois ! En tenant la coupe dans sa main, le père de famille dit:
“Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers qui as créé le fuit de la vigne. Sois loué, Éternel, notre Dieu Roi de l’univers, qui nous a sanctifiés par tes commandements, qui nous a agréés et qui, dans Ton amour et Ta bienveillance nous a donné en héritage ton saint jour de Sabbat, souvenir de la création du monde. Ce jour est la première des solennités, instituée en mémoire de la sortie en Égypte. Oui, c’est nous que tu as choisis entre tous les peuples et que tu as sanctifiés, et c’est à nous que dans ton amour et ta bienveillance tu as donné ton saint jour de Sabbat en héritage. Sois loué, Éternel, qui sanctifies le Sabbat”. Les convives, qui ont écouté debout cette bénédiction, boivent ensuite le vin de la coupe, et chacun reçoit un petit morceau de pain rompu auparavant par le père de famille. Le repas lui-même est interrompu de temps en temps par le chant des cantiques en l’honneur du Sabbat.
La journée du Samedi
L’office du matin occupe une grande partie de la matinée, surtout dans les synagogues disposant d’un Razzan, chantre. Cet office a la même structure que celui des jours de la semaine et comprend trois parties: chants, récitation du Shema (Écoute Israël) et la grande bénédiction appelée, parce que récitée debout, Amidah. Cependant, chaque partie s’enrichit le Sabbat et l’office comprend aussi la lecture solennelle de la Thora et une lecture prophétique correspondante. Quelques prières récitées le Samedi sont d’une beauté toute particulière, comme l’hymne Nishma Kol Haï dont la composition est assez étrangement attribuée à saint Pierre par la tradition juive du Moyen-Âge. Nous donnons la traduction de la première partie de ce magnifique hymne d’action de grâce:
“Que l’âme de tout être vivant loue ton nom, ô Éternel, notre Dieu ! Et que le souffle de toute chair glorifie et exalte à jamais ton souvenir, ô notre roi! Tu es et tu seras éternellement le Tout-Puissant, et seul tu es notre roi, notre libérateur, notre protecteur; tu nous délivres, nous sauves et nous soutiens; tu as pitié de nous dans notre détresse (et dans nous angoisses nous n’espérons qu’en toi); car seul tu es notre maître, notre roi. Dieu des générations passées et des générations futures, souverain de toute création, maître de toute la nature, tu es l’objet de toutes les louanges; car tu gouvernes le monde par ta grâce et tes créatures avec miséricorde. L’Éternel ne dort ni ne sommeille; il réveille ceux qui dorment et ranime ceux qui sont assoupis ; il rend la parole aux muets et brise les chaînes des captifs; il soutient ceux qui chancellent et redresse ceux qui sont courbés. Devant toi seul, Seigneur, nous nous prosternons. Si les chants de notre bouche étaient inépuisables comme la mer, si les actions de grâces de notre langue étaient nombreuses comme ses vagues, si nos lèvres répandaient ta gloire sous toute l’étendue des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendues comme les ailes de l’aigle dans les airs, et si nos pieds étaient agiles comme les pieds du cerf, nous ne saurions encore te témoigner notre gratitude, ô Éternel, notre Dieu et Dieu de nos pères, ni bénir ton nom glorieux pour une seule des mille myriades de bontés que tu as eues pour nos ancêtres et pour nous”.
D’autres hymnes célèbrent la gloire de Dieu et la sainteté du jour:
“Louange au Tout-Puissant, qui après la création, s’est reposé, qui s’éleva le septième jour et s’assit sur son trône majestueux ; qui couronna de gloire le jour de repos et nomma le Sabbat: délices. C’est la gloire du septième jour d’avoir été choisi par le Seigneur pour se reposer de ses œuvres ; alors le septième jour entonna luimême le cantique du jour de Sabbat: ´´Il est doux de louer l’Éternel”.
“Ainsi, que toutes les créatures célèbrent et louent le Tout-Puissant, rendent hommage à la gloire et à la magnificence du Seigneur, du Roi qui a tout crée, qui, dans sa sainteté, a légué à son peuple Israël le repos du saint jour de Sabbat”.
Le Samedi, la Quedducha, la proclamation de la sainteté de Dieu par les esprits célestes, que notre liturgie a empruntée à la liturgie synagogale, est entonnée d’une grande solennité:
“Tous (les anges) chéris, tous choisis, tous puissants ils exécutent avec respect et vénération la volonté de leur Créateur ; avec leurs bouches d’une sainteté pure ils entonnent des chants mélodieux ; bénissent, louent, glorifient, exaltent, sanctifient et rendent hommage à la gloire de Dieu, roi, grand, fort, redoutable et saint et tous se soumettent alternativement au joug du règne de Dieu, se donnant l’un à l’autre, et suivant leur rang, l’autorisation de proclamer la sainteté de leur Créateur avec délices, dans un langage pur et saisis d’une sainte exaltation ils entonnent d’une voix unanime en disant avec recueillement:
Saint, Saint, Saint, est l’Éternel Tzebaoth, toute la terre est remplie de sa gloire. Et les Ophanim (cf Ez 1,15) et les saints Vivants au milieu d’une grande clameur, s’élèvent en face des Séraphins et, s’unissant à leurs louanges, ils s’écrient: Que la gloire de l’Éternel soit louée dans sa résidence”.
Après la récitation du Shema, nous avons une prière analogue à notre Préface. L’officiant ayant dit à haute voix: “L’Éternel votre Dieu est le Dieu de la Vérité”, la congrégation répond:
“(Cette parole) est vraie et certaine, juste et inébranlable, droite et fidèle. Elle nous est agréable et chère, excellente et précieuse, terrible et majestueuse ; et cette profession de foi que nous faisons nous est douce et agréable, elle est loyale et sincère”.
“Oui, il est vrai, le Dieu de monde est notre roi; il est le rocher de Jacob, le bouclier de notre salut. De génération en génération il subsiste; son Nom est stable, son trône est inébranlable; son règne et sa fidélité existeront à tout jamais”.
Nous nous approchons d’un des moments les plus solennels de l’office: la lecture de la Loi: les rouleaux, écrits toujours à la main, sont “habillés” d’une housse richement ornée, et enroulés autour de deux bâtons de bois appelés: Etz haim (Arbre de Vie), et surmontés soit de grenades d’argent, soit d’une couronne. Les rouleaux sont gardés dans une armoire appelée arche, couverte d’un canapé artistement brodé. La lecture liturgique de la Thora se fait sur une estrade spécialement construite et placée traditionnellement au milieu de la synagogue.
Le lecteur et d’autres dignitaires de la synagogues se rendent solennellement à l’arche pour la sortie des rouleaux sacrés tandis que la congrégation récite différents versets tirés de l’Écriture. Quand l’Arche sainte est ouvert, les fidèles disent:
“Lorsque l’Arche sainte se mettait, Moïse disait: ´Lève-toi, Éternel! Que tes ennemis se dispersent et que tes adversaires fuient devant Toi (Nombres 10, 35); car c’est de Sion que vient la Loi et la Parole de Dieu de Jérusalem”.
En sortant le rouleau de l’arche, on dit:
“Loué soit celui qui, dans sa sainteté, a donné sa Loi à Israel”.
On fait sortir de l’arche autant de rouleaux qu’il faut pour la lecture. Le ministre officiant un rouleau sur le bras, se retourne vers les fidèles et chante sur un ton solennel la profession de foi d’Israël:
“Écoute, Israël, l’Éternel notre Dieu, l’Éternel est Un. Notre Dieu est Un; notre Maître est grand; Saint est son nom. Exaltez avec moi l’Éternel. Célébrons ensemble sa gloire”.
Les fidèles répondent:
“À Toi, Seigneur, appartiennent la grandeur, la toute-puissance, la gloire, la victoire et la majesté. À Toi tout ce qui est dans le ciel et sur la terre; à Toi l’empire et la suzeraineté sur toutes choses…”.
On dépose les rouleaux sur le pupitre qui est au milieu de l’estrade et l’officiant invite un premier lecteur. Si un Cohen est présent, c’est à lui qu’échouait cet honneur, ensuite, à un lévite et finalement à cinq israélites ordinaires. La lecture d’un texte non ponctué présentant de grandes difficultés, c’est en général un lecteur professionnel qui chante ou récite le texte, et la personne invitée à faire la lecture se contente de réciter la bénédiction.
Le Pentateuque, c’est-à-dire la Thora, est divisée en cinquante quatre sections, correspondant au nombre de Sabbats de l’année la plus longue. Le cycle annuel se termine à la fête de Simchat Thora, le dernier jour de la fête des Tabernacles; le même jour, on lit le premier chapitre de la Genèse pour que la lecture de la Loi ne subisse aucune interruption.
Après la dernière lecture de la Thora, un notable se rend sur l’estrade, saisit le rouleau par les bâtons, l’élève aussi haut que possible et le montre, en faisant un tour complet, à toute l’assistance. Ensuite, on revêt le rouleau de ses divers ornements et d’un autre rouleau on lit la lecture prophétique appelée Haftarah (conclusion).
Avant la reposition des rouleaux on récite, entre autres, une prière fort ancienne, rédigée non pas en hébreu mais en araméen:
“Que viennent la rédemption du Ciel, bienveillance, grâce, miséricorde, longue vie, subsistance abondante, secours du ciel, santé du corps et lumière d’en haut ; descendance vigoureuse et durable ; descendance qui ne cessera jamais et qui continuera à se consacrer à la Thora. Que ce soit accordé à nos Maîtres, à nos Rabbins, et aux saintes assemblées, soit en Eretz Israel, soit en Babylonie…”.
Finalement, une procession se forme comme avant la lecture et l´officiant et les notables apportent les rouleaux à l’Arche sainte, tandis que la congrégation récite des psaumes.
Après la prière du matin, en souvenir du sacrifice additionnel qui était offert au temple, on célèbre un office spécial appelé Mussaph, addition. L’office de l’après-midi, la Minha, prend au Sabbat plus d’importance et comprend des prières spéciales, une lecture de la Thora et quelquefois un sermon ou la lecture d’un chapitre de Pirque Avoth, Chapitres des Pères, qui contient les sentences morales des rabbins des premiers siècles.
L’office du soir, Ma’ariv, est substantiellement le même que les jours de la semaine. Il est suivi du dernier des trois repas sabbatiques obligatoires, et se clôture par la cérémonie de la Habdalah, séparation.
Le père de famille emplit une coupe de vin et allume une bougie consacrée à cet effet. Il remet la bougie au plus jeune de ses enfants ; il prend la coupe de vin et dit à haute voix:
“Dieu Tout-Puissant, Tu es mon espoir. Je me confie en Toi et je ne crains rien. Mon triomphe et mon chant de gloire c’est l’Éternel: Il est mon libérateur. Vous puiserez avec joie à la source du salut. Éternel, tout secours émane de Toi, ta bénédiction est sur ton peuple. Sélah. L’Éternel Tzevaoth est avec nous. Le Dieu de Jacob est notre force. Sélah. Les lumières ont brillé ; la joie, l’allégresse et la gloire se sont manifestées parmi les juifs. Je lève la coupe du salut et j’invoque le nom de l’Éternel”.
Il soulève alors la coupe et prononce la bénédiction:
“Soit loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui crée les plantes odorantes”.
Ensuite, il prononce la bénédiction sur la bougie:
“Soit loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui crée la lumière”.
La dernière bénédiction marque la fin du Sabbat:
“Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui distingue le sacré du profane, sépare la lumière des ténèbres, Israël des peuples, le septième jour des six jours ouvrables. Sois loué, Éternel, qui sépare le sacré du profane”.
Des dernières gouttes du vin, les unes sont jetées à terre, en signe d’allégresse, les autres versées sur la bougie pour l’éteindre et marquer ainsi la distinction entre la lumière et l’obscurité, le saint et le profane.
Après la cérémonie de la Habdalah, les pieux restent assis et chantent jusqu’à tard la nuit des cantiques qui implorent la venue du prophète Élie, précurseur du Messie. Nous donnons la traduction d’un des chants les plus populaires que la radio israélienne fait entendre tous les samedis soirs:
“Élie le prophète, Élie de Tishbé, Élie de Gala’ad, Sans tarder viens vers nous avec le Messie, fils de David. Tu étais rempli de zèle pour la gloire de Dieu, Yekutiel t’apporta un joyeux message de paix, Tu es venue expier pour les fils d’Israël. Tes yeux ont contemplé douze générations, On te reconnaissait à tes longs cheveux, Tes reins étaient ceints d’une ceinture de cuir. Ta colère s’enflamma contre les idolâtres, Par serment tu défendis aux ondées de quitter leur demeure, Pendant trois ans tu retins la pluie et la rosée. Tandis que tu cherchais du repos pour ton âme Les corbeaux te nourrirent de peur que tu périsses ; En ta faveur furent bénies la jarre et la cruche. On écoutait tes remontrances en tremblant. Le feu du ciel répondait à ta prière ; A ta suite l’on répétait: l’Éternel est Dieu. Toi qui seras envoyé au déclin des jours, Préposé à toutes les bonnes nouvelles, Émissaire fidèle, retournant le cœur des fils vers les pères. Tu t’écris: Je suis rempli de zèle pour Dieu dans sa splendeur, Tu montas sur des chevaux de feu dans le tourbillon, Tu échappas aux relents de la mort et du tombeau. Oh ! Tishbite, sauve-nous de la gueule des lions, Apporte, oh: apporte de bonnes nouvelles, Puissent fils et père se réjouir ensemble à la sortie du Sabbat. Heureux celui à qui tu apparais dans son rêve ; Heureux celui qui te salue et reçoit ton salut en retour, Que le Seigneur bénisse son peuple et lui donne la paix”.
Jérusalem, Novembre 1964